les ruminations traumatiques
Le psychologue Mardi J. Horowitz, spécialiste des états de stress posttraumatique, a été l'un des premiers à s'intéresser à ces ruminations mentales. Des pensées « intrusives » se manifestent d'abord par le retour involontaire de souvenirs liés l'événement : la victime d'un accident ne cesse de revivre les mêmes scènes ? choc, blessés, vision du sang. Un autre signe marquant de cette rumination est justement la tentative de la personne pour repousser ces pensées.
Pour M.J. Horowitz, ces pensées intrusives ne relèvent pas forcément de la pathologie, mais seraient plutôt nécessaires à l'équilibre psychologique de l'individu. Suite à un choc émotionnel intense, notre appareil mental met en place des réponses visant à une réadaptation à la vie normale. Cela se manifeste par des tentatives répétées de mettre toute information nouvelle en adéquation avec les schémas mentaux préexistants. Tant que l'incomplétude demeure, les ruminations intrusives persistent.
Dans les situations les moins graves, cette tentative s'effectuera par assimilation, c'est-à-dire par l'intégration des informations nouvelles dans un schéma mental préalable. Si la rupture est plus profonde, un processus d'accommodation sera nécessaire : cette fois, il s'agira de l'adaptation des schémas mentaux anciens aux informations nouvelles.
M.J. Horowitz insiste sur la dynamique des ruminations au fil du temps. Une oscillation entre moments de confrontation et ceux de périodes d'évitement (autant des lieux où s'est déroulé l'événement que des émotions associées) permettrait, à terme, de se remettre d'un épisode pénible de ce type.
Enfin, M.J. Horowitz a montré dans des études de laboratoire que les ruminations qui surviennent dans le cas de situations traumatiques reposent sur les même mécanismes que ceux qui surviennent dans la vie quotidienne, même s'ils sont d'intensité et de fréquence plus fortes.
Un modèle socio-cognitif des ruminations
Le modèle proposé par la psychologue Ronnie Janoff-Bulman comporte un certain nombre de similarités avec celui de M.J. Horowitz. La contribution majeure de cette chercheuse de l'université du Massachussetts concerne nos systèmes de croyances fondamentales que l'événement traumatique vient perturber. Trois types de « croyances de base » sont brutalement remises en cause.La première croyance concerne la bienveillance du monde environnant. Même si beaucoup de gens pensent que le « monde extérieur » est imparfait (« trop de souffrances, d'injustices, etc. »), la plupart des gens pensent que leur monde à eux est plutôt indulgent à leur égard. Du moins, il l'était jusque-là !
La deuxième croyance repose sur l'idée que le monde a du sens. Chacun pense de façon inconsciente que les événements de la vie se déroulent suivant des règles établies et aisément compréhensibles. Par exemple, un schéma bien ancré veut qu'une personne qui fait régulièrement de l'exercice physique a des chances de rester en bonne santé. Que cette personne contracte une grave maladie et notre croyance dans un monde cohérent et juste s'effondre.
La troisième croyance concerne sa propre valeur. Chacun croit plus ou moins à sa bonne étoile et pense qu'il « vaut » quelque chose. Le choc traumatique conduit à un brusque effondrement de l'estime de soi.
Reprenons l'exemple de l'agression. Les trois croyances de base apparaissent soudain comme caduques : « Le monde qui m'entoure est hostile, injuste, insensé et je ne vaux plus rien. » Cette invalidation signale la perturbation profonde des systèmes de référence de l'individu, ainsi que la nécessité d'un traitement actif de l'information émotionnelle afin de les reconstruire progressivement.